Comme chacun croit le savoir, le contenu des programmes passe loin derrière la mise en média des candidats à la présidentielle. L’exemple le plus spectaculaire est « le phénomène Le Pen », qui déjà de par son prénom est porteur de pub et de slogans. Ses rivaux l’appréhendent, même s’ils feignent ne pas trop s’en soucier. Le dernier en date qui a enflammé les plateaux est Jean-Luc Mélanchon, terreur des journaleux. En voilà un qui manie le verbe puissamment et sans détour. On peut le mettre en tête de la pratique des mots d’esprit et des réparties cultivées. L’habitude des émissions qui frisent facilement le tribunal des peaux de bananes, est d’illustrer l’arrière plan des candidats avec des photos en guise de décor ambiant. Dès qu’une photo de Marine Le Pen apparaît, son efficacité est telle, que l’attention sur Mélanchon brusquement s’étiole et pollue son discours. Son coté intello-gouailleur apparaît subitement désuet pour les téléspectateurs de la France dite d’en bas, chère à Sarko. Idem pour François Hollande dit Babar, pare-choc de la gauche par procuration. Son humour en privé ainsi que sa brillante intelligence s’éclipsent dès que surgit une caméra. Son look, le ton de sa voix, sa gestuelle compassée prennent vite le pas sur le ton monocorde de ses interventions. Malgré ses efforts, il ne troue jamais l’écran. François Bayrou, vieux routier de la présidentielle, a remisé son tracteur et s’applique à l’aide de son vocabulaire habituel à se dépatouiller du contexte général qui patauge dans l’ambiguité . Sa détermination besogneuse commence à porter ses fruits. Son charisme moyen, sa pédagogie popotte donnent de lui une image sécurisante . L’image qu’il donne fait office de dernier recours, de radeau de sauvetage pour indécis. En retrait, Sarko fourbit ses armes au jour le jour en attendant son heure, car le choc sera rude. La Marine quant à elle, quoiqu’elle fasse, mène ses détracteurs à apporter de l’eau à son moulin sans farine. Les fameux sondages et leur technique d’orientation ne sont en aucun cas convainquants, bien au contraire. Elle a les atouts physiques que n’avait pas son père. Un sourire carnassier qui résiste aux pires imprécations. Une blondeur, une gestuelle et un look qui se prêtent à la mise en scène. Dès qu’elle apparaît , elle devient l’actrice de son propre rôle et c’est bien là le danger. Sur les plateaux télés, à part quelques rares présentateurs habiles, tous deviennent des seconds rôles et des figurants. Depuis Bernard Tapie, on n’a plus vu pareil star pour les caméramans, les photographes, les manchettes de première. Le malaise médiatique à son sujet joue en sa faveur chez les désenchantés. Parmi les hésitants, il n’y a pas que les déçus de la gauche, les chômeurs, les sans grades, les post pétainistes, il y a les nombreux fascinés par une regression imaginaire. Les nostalgiques de la France d’avant. D’une France sans euros, sans islamistes et prières dans la rue, sans fermetures et cortège de faillites. Une France de l’apéro, du litron, du dîner en terrasse en parlant des prochaines vacances.
Ceux qui ont abandonné jadis Jeanne d’Arc dans les greniers du 19ème, peuvent s’en mordre les doigts. Ils n’ont pas pris au sérieux les ragots de comptoir du café du coin, et l’insécurité des cités. Il leur faudra bien du génie et de verve pour acquérir ce qui leur manque le plus : la lucidité médiatique à l’égard du grand nombre.
Et là, pour une fois le F.N. , à défaut de réel programme, a hélas déjà une bonne longueur d’avance.
Jacques Charlier, le 15 janvier 2012
http://www.jacquescharlier.be/2012/01/les-turpitudes-de-limage/
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